Gouvernance des biens communs

Chaque mois, un habitué vous permet de découvrir un des nombreux livres passionnants qui se trouvent dans la bibliothèque de la MDD.
 
  • Novembre 2014 : "Gouvernance des biens communs, pour une nouvelle approche des ressources naturelles" d'Elinor Ostrom (1990)
Une lecture de Louis Possoz

La question fondamentale qui motive ce livre est celle de la gestion des biens communs. Etendue au bien commun de l’Humanité (comme l’a ainsi nommé François Houtart), elle renvoie aux océans dépeuplés par la surpêche, aux forêts qui disparaissent au profit de cultures diverses (huile de palme, éhtanol,…) ou, de manière plus globale, à l’incroyable perte de biodiversité, au réchauffement climatique, sans parler de la stérilisation des terres cultivables. 

Classiquement, il n’existe que deux réponses politiques envisageables au problème de la gestion des biens communs : la privatisation d’une part, en conformité avec les doctrines libérales, et la nationalisation d’autre part, dans une ligne de gouvernement marxiste, sans oublier les différentes combinaisons entre ces deux approches. Mais c’est à l’examen d’une troisième voie, celle de la gestion collective (ni par un propriétaire, ni par un état), qu’Elinor Ostrom a consacré une partie majeure de ses travaux de recherche en économie politique.

Ancré dans le concret, le livre examine comment des groupes humains ont réussi (ou échoué) à gérer collectivement des biens communs, parfois durant plusieurs siècles. Sont ainsi exposés les détails d’une gestion collective par des groupes atteignant plusieurs centaines de personnes, d’alpages en Suisse, de forêts au Japon et d’eaux d’irrigation en Espagne ou aux Philippines. Une synthèse des conditions nécessaires à (1) l’émergence d’un système de gestion collectif puis à (2), l’évolution et la survie sur le long terme de ce système de gouvernance est présentée. Loin de toute naïveté, les questions de la surveillance et de la sanction (par le groupe) jouent un rôle essentiel à côté de la bonne volonté et de la créativité de la collectivité. 

Il ne faut cependant pas s’y méprendre, l’existence de biens communs ne s’oppose pas à celle des biens privés, ceux que le propriétaire préfère gérer tout seul, comme son habitat ou son potager par exemple. Les modes de gouvernance ici présentés s’écartent résolument de la doxa de l’économie libérale mise en évidence par Garret Hardin dans un article de 1968 qui veut que seule la propriété privée permette d’échapper à la tragédie de la mal gouvernance. Tout le mérite du « livre du mois » est de relativiser cette thèse, de manière sérieuse et documentée, en établissant nettement que des collectivités ont efficacement géré des biens communs sur le (très) long terme.