En 2010, un double paradoxe agricole et alimentaire persiste ! D’un côté, un milliard de personnes souffrent de la faim dont plus de 650 millions sont des paysans et leurs familles. De l’autre, l’agriculture intensive contribue à hauteur de 14% au réchauffement climatique, alors que des pratiques agricoles plus durables permettraient de limiter l’émission de gaz à effet de serre tout en fournissant de quoi nourrir la totalité de la planète. De par le monde, les assiettes sont trop vides ou trop pleines … Mais, partout, l’agriculture familiale et paysanne a été négligée au profit d’un modèle agro-industriel. Source : SOS FAIM
Qu’en est-il aujourd’hui, ici en Belgique, de consommer des fruits et légumes couverts de 10 à parfois 20 couches de produits finalement toxiques ? La volonté d’accès à une alimentation saine s’est concrétisée depuis nombre d’années par la multiplication de magasins « bio », proposant des fruits et légumes, des céréales non traités chimiquement. Au départ, les maraichers optant pour une agriculture qui prend soin du sol, ont distribués leurs productions via des circuits d’approvisionnement locaux, des petits magasins, des formules de type paniers du pays, etc. Action citoyenne en sus, constatons que de plus en plus les potagers se remettent en terre dans les jardins citoyens... Cependant, les grossistes « bio certifiés » ont grandi en taille et s’approvisionnent maintenant e.a. en Pologne ! De plus grandes surfaces distribuent elles-aussi aussi maintenant des produits écolabels.
LES PAYSANS SANS AVENIR
Et la santé et la qualité de travail des agriculteurs et paysans ? Des films comme « nos enfants nous accuseront » ont montré combien, mal protégés lors de l’épandage, des travailleurs saisonniers, des agriculteurs et leurs enfants souffrent de maladies graves, suscitées par les émanations et le contact épidermique ou pulmonaire avec des engrais et pesticides à doses trop importantes.
Les formes devenues classiques de production agroindustrielle induisent aussi des problèmes majeurs dans d’autres continents. Notre bétail est nourri de soja produit en Afrique ou en Amérique latine au détriment de possibles productions alimentaires de base pour les populations de ces continents – qui finalement souffrent de faim ou de soif-. Cette question est devenue mondiale. Le dernier film de Coline Serreau « Solutions locales pour un désordre global » le montre aisément. Les débats au parlement européen en ce qui concerne la prochaine réforme de la Politique agricole commune (PAC) concerne la qualité de vie des paysans ici en Belgique, en France et par effet rebond, partout dans le monde
Quel sera notre futur et celui de nos enfants ? Certains débats menés dans le cadre de la réflexion « Ottignies 2050 » ont posé clairement la question du lien entre « alimentation saine et accès à la terre » - ici déjà dans nos communes. A l’échelle du monde, ce sont notamment les conférences proposées par la Maison du développement durable. Le Prof. Mazoyer, conseiller à la FAO, Daniel Cauchy, membre du Rencontre des continents, Pierre Rabhi, promoteur de l’agroécologie en France et dans les pays africains, et enfin le Prof. Olivier de Schutter, conseiller de l’ONU pour les questions alimentaires, sont extrêmement clairs sur les constats et les scénarios de solutions. Le suicide des paysans – partout dans le monde, même en France ! – démontre combien cette question est terriblement présente.
Quelles sont nos options, quels seront nos choix ?
Quelle alimentation saine pour nous et quel bien-être pour nos paysans et artisans ? Pouvons-nous opter pour la relocalisation de la production : agriculture de proximité, circuits courts, souveraineté alimentaire ? Comment – rapidement – développer des méthodes de production moins énergétivores et moins polluantes ? Quel soutien voulons-nous proposer à nos producteurs artisans, au tissu de petites exploitations ? Sommes-nous disposés à réfléchir à une possible souveraineté alimentaire - de qualité, peu traitée, de qualité nutritionnelle supérieure, faites de produits frais naturels sans adjonctions - ici même à Ottignies en lien avec les communes avoisinantes ? Le choix d’une consommation nous amenant à plus de sobriété (en particulier au niveau des produits animaux) est elle une valeur possible ? Voulons-nous construire des relations dignes / équitables entre producteurs et citoyens ?
Des mouvements comme Ekta Parishad (Indes), le MST (Mouvement des sans terre, Brésil), Via Campesina, la Confédération paysanne, FIAN International sont partenaires d’une nécessaire mobilisation. La majorité des millions de gens qui meurent de faim dans le monde sont des paysans : dans le Sud comme chez nous, il est temps que nous retrouvions la maîtrise de nos moyens de subsistance !
LES PAYSANS SANS TERRE : FORUM DE L’UNITE
Le mouvement Ekta Parishad ("forum de l’unité") rassemble des sans-voix de l’Inde, des dalits ("intouchables"), des adivasis (communautés tribales), paysans sans terre ou victimes de servitude pour dette. A l’initiative de Rajagopal – un fidèle de Gandhi -, ce mouvement s’est constitué en 1991 pour fédérer différentes initiatives et ONG plus locales. Aujourd’hui, Ekta Parishad compte près d’un million de sympathisants. Les revendications de ce mouvement populaire s’articulent principalement autour du droit - pour les populations les plus démunies - à avoir accès à trois ressources naturelles essentielles : la terre, la forêt et l’eau. Faisant revivre la philosophie gandhienne du Satyagraha (lutte non violente), l’approche d’Ekta Parishad se fonde sur la conviction que l’organisation des villageois et la lutte non-violente sont les piliers du développement et permettent d’aboutir à des changements structurels. Ce travail passe par la formation d’animateur Les résultats concrets sont nombreux au niveau local avec le rétablissement de la dignité, de la confiance des populations dans leurs capacités, l’émergence d’organisations locales pour les femmes, les jeunes, le recul de l’alcoolisme, la diminution des atrocités, l’accès à des prêts, etc.
Ekta Parishad organise - depuis 1999 - des marches pacifiques (padyatra) qui rassemblent des milliers de personnes pour réclamer l’accès à la terre, à la forêt, à l’eau et aux ressources de base. En octobre 2007, la marche Janadesh (= le verdict du peuple) a rassemblé 25.000 participants, venus des 4 coins de l’Inde, qui ont marché de Gwalior à Delhi (350 km), à travers plusieurs états et pendant 28 jours. Manifestation impressionnante par la détermination de ces hommes et de ces femmes pour revendiquer leurs droits, organisation impeccable qui fit l’admiration des 200 témoins étrangers d’Asie, d’Amérique et d’Europe.
Cette manifestation a suscité des résultats importants, mais dès à présent, une nouvelle marche est prévue pour octobre 2012. Ekta Parishad espère mobiliser 100.000 participants pour appuyer ses revendications. Plus important que le nombre et l’événement lui-même, ce sont surtout les 3 ans de préparation qui vont mobiliser des milliers de villageois ainsi que l’internationalisation du mouvement : des représentants d’Ekta Parishad ont rencontré de nombreuses communautés paysannes dans une dizaine de pays d’Amérique latine, d’autres rencontres sont prévues en Afrique.
L’OPTION DE LA QUALITE DE VIE DES PAYSANS ICI EN BELGIOUE – EN SOLIDARITE AU SUD
Ici en Europe – en Suisse, en France, en Allemagne et plus particulièrement en Belgique -, des citoyens s’organisent. Concrètement ils s’associent à des paysans et artisans qui tentent de re-proposer une agriculture et un maraichage « soucieux de la terre » (revalidation de l’humus), des produits sains (pas de traitement chimique), du terroir et diffusés en circuits courts (peu d’empreinte CO² transport). Des GAC, des AMAP sont de nouvelles formes d’organisations et d’appui aux paysans et artisans. Les écoles sont elles-aussi sont parties prenantes pour proposer les repas les plus sains aux enfants en lien avec ces producteurs et des restaurant-traiteurs.
Mais ce combat est mondial aussi : quels agriculteurs et artisans voulons nous ? Sommes nous disposés à des formes d’autocontrôle de la qualité des produits alimentaires, d’autoévaluation des modes de production – plutôt que de se soumettre à des normes et formes de « sécurité » édictées par et pour les grandes organisations – sans soucis de la qualité nutritive, du respect de la terre, du lien entre les gens - ? Dès lors, quelle PAC voulons-nous ? Quelles précautions par rapport aux « solutions OGM » ? Quelles considérations pour les Sud ?
La solidarité entre le Nord et le Sud est possible. Un groupe citoyen s’est organisé – ici à Ottignies en lien avec d’autres à Liège, Bruxelles, Arlon, Namur, Thuin, .. proposant de joindre le mouvement impulsé par Ekta Parishad, soutenu par FIAN, MST, Slow food, etc. Les actions sont concrètes. Débats et informations : rencontre avec des écoles, avec des étudiants et des associations, réflexions sur le futur que nous voulons ici et en lien au Sud, débats avec des élus locaux et européens pour que les dispositions prises n’agressent pas les plus démunis mais au contraire les soutiennent. Des mouvements : organisation en 2011 de rencontres et de marches à partir de « fermes sentinelles » ici dans nos régions, en en 2012 une jonction vers Bruxelles et Strasbourg, Déjà des collectes de fonds s’organisent afin de parrainer les marcheurs, ici et en Indes.